CONSTANTINE , PAYSAGES ET TERRITORIALITE….

L’option d’établissement  à l’origine  sur le Rocher de Constantine pour la fondation de la ville suscite des interrogations fondamentales:

Pourquoi pas sur le Rocher de Sidi Mcid, ni sur Le plateau du Mansourah, ni sur le Coudiat Aty?

Sans  s’attarder pour le moment sur ces questions, les travaux d’M. Eliade suggèrent quelques pistes dans cette thématique. En effet, dans son établissement sur le territoire, l’homme « réitère la cosmogonie. » Le principe de fondation s’appuie sur une « organisation » à partir d’un Centre, un nombril,  un axis mundis. 10419073

« L’installation dans un territoire équivaut à la fondation du monde« [1]. Cette installation signifie également une « mise en ordre » dans chaos préalable, en chargeant les  lieux de représentations et de significations, de sacré et de profane, des géosymboles et des vaccums.

Le paysage de la ville, vu de loin avait dû faire l’objet d’un intérêt particulier de la part des anciens habitants. En effet, le mausolée de la Soumaa du Khroub constitue aujourd’hui même un point de repère pour les visiteurs  venant du Sud Est. Tous les mémoires des soldats de l’armée coloniale française soulignent que Constantine se rend visible à partir de ce  monument. Ce « tombeau » est également un jalon dans le territoire disposé dans une intention (parmi d’autres), d’annoncer la ville de Cirta.

Se dressant sur le sommet d’une colline, la Soumaâ, appelée ainsi par les habitants des alentours, devait évoquer un « minaret« . Par sa forme, elle a marqué un espace « sacré », car les habitants ont installé leur cimetière à  une  cinquantaine de mètres du mausolée[2].

Ce monument funéraire dont les premières fouilles remontent à 1915[3], suivies de sa restauration sous la responsabilité d’A.Ballu et de M.Bonnel, est situé à 14 Km au sud/est de Constantine, au croisement des routes antiques (Theveste/Cirta et Hippone, Calama Sitifis). Sa position, dressée sur le sommet d’une colline, lui confère une  vue sur le paysage de la ville.

Datant du IIe S. av.J-Ch. selon les conclusions de plusieurs archéologues, ce monument était non seulement destiné à recevoir éternellement la sépulture d’un illustre personnage (inconnu), mais aussi de « dire » l’approche de Cirta, ville visible à partir du sommet de la colline. Cette annonce, vérifiable même aujourd’hui, indique la perspicacité dans la définition de la territorialité et le marquage concret du territoire de l’antique cité. L’implantation du mausolée au sommet de la colline, participe du même « principe » adopté dans l’affectation des « lieux » dans les alentours proches de la ville.  Le Coudiat et son « génie »Aty, Plateau du Mansourah et son Sidi Mabrouk et ebdin le Rocher Nord et son Sidi Mcid).

Le paysage est une vision du réel qui nous entoure. Cependant, dans cette perspective de l’immédiateté,  se manifestent des épaisseurs naturelles et anthropiques, mémorielles et historiques. Le paysage est aussi une construction par laquelle une « géographie » se donne à la perception (visuelle, sonore, olfactive).

C’est aussi le substrat dans lequel sont gravées les vicissitudes dans une succession temporelle sous formes de « stigmates » renvoyant aux « choix » fonctionnels ou aux contraintes rencontrées dans la poursuite de l’établissement humain.

Il est donc un cadre par lequel une société habitante construit son monde et le signifie. Il acquiert ainsi un sens instrumental dans la mesure où il traduit les formes de possession, de l’interdit, du sacré et de l’utile.

 En somme, le paysage est un médium entre l’homme et la nature, exprimant les formes de l’appropriation, dévoilant les outils de son aménagement et les références morales et techniques fixant son exploitation.

Vue du Sud/Est, à partir d’un monument « jalonnant » le parcours, en l’occurrence la Soumaâ du Khroub,  Constantine a depuis l’antiquité défini sa « territorialité », en la rendant lisible à travers la construction d’un paysage pertinent et remarquable.

[1] ELIADE M. Le sacré et le profane. Ed. Gallimard. Paris.1965. en p.47.

[2] Voir à ce propos le « Rapport Adressé à M. Le Prefet du Département de Constantine sur les fouilles de la Soumaa daté du 28 Décembre 1861 par M.Rémond et M. Cherbonneau. Paru dans l’Annuaire de la Société Archéologique de la Province de Constantine. 1862. Pp. 68-75.

[3] BONNELL  M. Monument fgréco-punique de la Souma. In Recueil des Notices et mémoires de la Société Archéologique de la Province de Constantine. 6eme Vol. 1916. Pp. 167-178.

 

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